Passé inaperçu sur Steam, The Guilt and the Shadow réunit les influences de Silent Hill, Limbo, Henry Selick ou encore L’Échelle de Jacob dans un étonnant point-and-click horrifique sur le thème de la culpabilité.
La culpabilité est une émotion complexe et révélatrice. Fruit de la transgression d’une norme morale, elle conduit l’individu à réparer sa faute et remplit une fonction de régulation sociale. Dans The Guilt and the Shadow, cette existence vue par le prisme de la faute est symbolisée par une route sordide parsemée d’ombres, que l’on traverse seul et dont se dégage une impression étrange : celle d’être épié en permanence. La peur se cache ainsi dans le moindre interstice, alors qu’aucune menace tangible ne se manifeste.
Né de la collaboration entre le développeur brésilien Frederico Machuca et l’artiste Luiz Rodolfo Annes – également auteur de la nouvelle à l’origine du projet -, The Guilt and the Shadow raconte l’histoire d’un homme en quête de rédemption à la suite d’un meurtre. Prenant la forme d’un voyage mental au cours duquel le joueur compose avec les revers psychologiques et physiques du protagoniste, le jeu se présente comme le drame d’un esprit piégé par l’horreur qu’il a lui-même façonné. À l’image de Silent Hill 2, chaque environnement est la matérialisation d’une facette du personnage. Si le joueur croit saisir l’intrigue dans son ensemble, les choses ne sont jamais limpides. Le fait de résoudre des énigmes va certes permettre, par exemple, d’assembler des bribes de l’histoire, mais comme dans le survival horror de Konami, il faut avant tout être attentif à l’environnement pour trouver des réponses. Pourquoi l’angle de la caméra s’attarde-t-il sur ce ventilateur vieillissant ? À quoi servent ces pilules que nous collectons ? Même si le jeu ne le dit pas, le joueur réalise progressivement qu’il se trouve dans un hôpital psychiatrique.
Bientôt des voix nous assaillent, des phrases flottent à l’écran. Tantôt pour nous accuser, tantôt pour nous défendre, elles semblent savoir qui nous sommes, ce que nous avons commis. Chacune d’entre elles nous rappelle nos faiblesses et renforce le sentiment de culpabilité du protagoniste d’une manière de plus en plus insoutenable. L’environnement se fait dès lors plus hostile, comme dans Limbo, et la musique crée un espace sonore suffocant, quelque part entre Akira Yamaoka (Silent Hill) et Angelo Badalamenti (le compositeur de David Lynch). Si The Guilt and the Shadow ne se démarque pas par son identité visuelle, ses décors de bric et de broc, dessinés pour la plupart à la main, se révèlent subtils. Ils ont un côté do it yourself à mi-chemin entre Michel Gondry et Henry Selick. Quant à leur matière poreuse, elle mêle L’Échelle de Jacob d’Adrian Lyne et le John Carpenter de L’Antre de la Folie. L’hybridation est convaincante, même si les plus tatillons fulmineront contre la difficulté inutile de certaines énigmes ou l’animation approximative. Reste que cette balade cauchemardesque mérite le détour. Ne serait-ce que pour se souvenir des fulgurances de la série de Konami, qui paraissent d’autant plus lointaines que son nouvel épisode, Silent Hills, a été annulé.
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The Guilt and the Shadow
Frederico Machuca
PC / Mac – Steam
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