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Entretiens 2

Shinji Mikami, Master of Horror
# Interview ratée avec M. Resident Evil

By Games @gameslemag · On 20 juillet 2015


Le métier de journaliste de jeu vidéo est parfois semé d’embûches. Cette rencontre inédite avec Shinji Mikami en atteste. Ou comment se prendre un gadin en entretien mais le publier quand même car, finalement, il a du sens.

À l’automne dernier, Shinji Mikami sortait The Evil Within. Près de vingt ans après Resident Evil, le créateur de la saga culte du jeu horrifique revenait avec une oeuvre radicale qui représentait pour lui un double enjeu : le remettre en selle avec son nouveau studio, Tango Gameworks, et faire table rase du genre qui l’a rendu célèbre. En définitive, au lieu de remettre à zéro les compteurs du survival horror, l’enfant terrible de Capcom a sublimé le genre en composant une oeuvre violente, personnelle et sans concession. À l’occasion de la sortie des DLC du jeu (le premier dénote une fois encore l’impressionnante maîtrise de l’auteur), il était temps de sortir de nos tiroirs notre entretien avec Mikami, réalisé en juillet 2014.

Pourquoi avoir attendu ? Pourquoi cet entretien n’a-t-il pas été publié dans Games#6 à l’occasion de la sortie du jeu, que nous avions abordé dès notre numéro 4 ? La raison est simple : il ne méritait pas d’être imprimé, et donc vendu. Nous étions déçus des réponses. Mikami n’a pas la réputation d’être un grand bavard, et rares sont les bons entretiens avec lui. Nous le savions. Mais il fallait prendre le risque. Celui de le pousser à parler, de lui, de sa carrière, de ses choix, plutôt que de suivre le programme balisé de l’exercice promotionnel. Cet entretien est la chronique d’un échec annoncé mais que nous avons voulu partager parce qu’il dit, malgré les réponses lapidaires de l’auteur (toujours sympathique et souriant), quelque chose sur l’homme et sa situation. D’abord parce qu’on y voit que Mikami,  comme beaucoup de créateurs japonais, fonctionne à l’instinct, verbalise et théorise peu. Ensuite parce que sa réputation d’insolent, qui lui a valu d’être un temps contraint au silence par Capcom, remonte parfois à la surface, cadrée ou tempérée par l’éditeur de The Evil Within, l’Américain Bethesda.

Voici donc un entretien avec celui qui rêvait d’être un homme libre – et de transmettre cette valeur aux autres.

mikami

Propos recueillis par Jérôme Dittmar et Erwan Higuinen

GAMES _ Avez-vous trouvé chez Bethesda une liberté que vous n’aviez plus chez Capcom ?

SHINJI MIKAMI _ Autrefois, il régnait vraiment une atmosphère très libre chez Capcom. Quand je suis parti, j’avais bien sûr de plus en plus de contraintes. Mais aujourd’hui, chez Bethesda, je pense avoir retrouvé la même liberté que je pouvais avoir chez Capcom à mes débuts.

Pourquoi avoir quitté Platinum Games après Vanquish ?

Lorsque j’étais là, Platinum était une toute nouvelle société. C’était vraiment très ouvert, très libre. Mais avec Tango, je voulais vraiment créer un endroit où des nouveaux développeurs pourraient prendre leur envol.

Au début du développement de The Evil Within, vous avez déclaré qu’il s’agirait de votre dernier jeu. Puis vous êtes revenu sur vos propos, en disant que le soutien de Bethesda vous permettait de vous libérer de certaines contraintes. Qu’est-ce que cela a signifié pour vous, à un moment, de vous dire : « Ceci est mon dernier jeu » ?

Euh…[gêné] On ne peut pas parler de ça, désolé.

Si ce n’est pas votre dernier jeu, cela veut dire que vous avez beaucoup d’idées de jeux ?

Quand j’ai dit que c’était mon dernier jeu, je ne voulais pas dire que j’allais arrêter de faire des jeux vidéo. Je voulais plutôt dire que j’allais donner davantage d’opportunités aux jeunes talents qui nous ont rejoint chez Tango.

vanquish_games

Cette volonté de donner des moyens aux nouvelles générations vient-elle de votre travail de producteur chez Capcom ?

Je ne voulais pas nécessairement créer un endroit où enseigner aux jeunes générations comment produire ou réaliser des jeux. Aujourd’hui dans les studios, certains producteurs se préoccupent trop de savoir comment générer de l’argent, trouver des fonds, et pas assez d’aménager un espace créatif. C’est ce que j’ai voulu faire pour ces nouvelles générations, afin qu’elles puissent s’épanouir librement dans un cadre adapté à leurs aspirations. On rencontre souvent des gens talentueux chez les développeurs, avec des idées extrêmement brillantes, folles, insolentes, qui ne sont pas toujours en accord avec la politique de leur studio. J’ai donc voulu créer une atmosphère où les gens pourraient être entièrement libres d’exercer leur créativité.

Comment percevez-vous la place qu’a acquis le jeu vidéo indépendant ?

Je suis de près la scène indépendante, et c’est sûr qu’on verra bientôt des développeurs qui en sont issus arriver sur des grands projets. Mais c’est vrai que souvent, dans un jeu indé, il y a une chose qui ressort, un détail, qui vous fait oublier le reste et qui n’est peut-être pas aussi poussé. Alors que dans un AAA chaque chose doit être fignolée. Mais je pense qu’à l’avenir les joueurs chercheront plutôt justement ce truc qui fait qu’un jeu est grand.

God-Hand

Pour revenir sur votre carrière, nous aimons beaucoup God Hand, le dernier titre que vous avez réalisé pour Clover, qui a été démantelé après sa sortie. Vous avez justement déclaré que c’était votre jeu préféré. Pourquoi ?

C’est l’un des jeux sur lesquels je me suis senti le plus libre. Un jeu que j’avais tout simplement envie de réaliser, sans avoir à me soucier des ventes ou de quoi que ce soit.

Le jeu est-il exactement conforme à vos désirs ?

La seule raison pour laquelle je voulais faire God Hand, c’est Final Fight. Je rêvais d’en développer une version en 3D. Et rien que pour cela, je suis très heureux de l’avoir fait. Bien entendu, entre le concept initial et le jeu final, des choses ont changé, mais le coeur du projet, lui, est resté. Le seul aspect que j’aurais concrètement aimé pouvoir améliorer, ce sont les graphismes (rires).

C’était aussi un jeu un peu fou, punk, mal élevé, qui ne correspondait pas aux standards du bon goût. Etait-ce un jeu qui vous ressemblait, une provocation ?

Hum… Oui (rires).

RE4

Vous avez réalisé ensuite Vanquish, dont vous disiez qu’il s’agissait d’une réponse à God Hand, jugé trop hardcore par le public. Dans votre carrière, vous êtes souvent revenu sur vos anciens jeux. Êtes-vous éternellement insatisfait ?

Ce n’est pas aussi réfléchi. Resident Evil 4, qui a très bien marché, m’a donné une large marge de manoeuvre pour réaliser le jeu que je voulais : God Hand. Mais cela ne va pas plus loin. Dans un sens, c’est la même démarche que celle de Peter Jackson, qui a réalisé Brain Dead pour ensuite tourner Le Seigneur des Anneaux.

Avez-vous réalisé The Evil Within pour générer suffisamment d’argent pour vous garantir un maximum de liberté à l’avenir ?

[Mikami et son traducteur sont hilares et se mettent à échanger en japonais. Le premier demande au second s’il peut vraiment répondre. Celui-ci lui dit qu’il faut bien dire quelque chose. Puis après avoir plaisanté sur le fait que cette liberté pourrait lui permettre de réaliser un jeu qui donne envie de vomir, le traducteur nous répond…]

Oui (rires).

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Vous avez plusieurs fois évoqué votre jeunesse en entretien, et The Evil Within reprend tout ce que vous avez fait auparavant. Êtes-vous nostalgique des débuts de votre carrière ?

Je continue de croire qu’à trente ans vous êtes au sommet de votre carrière. Mais The Evil Within n’est pas une oeuvre nostalgique.

Pourtant c’est un jeu qui revient beaucoup sur vos anciens titres.

Je voulais vraiment revenir à l’essence du survival horror. The Evil Within se situe ainsi quelque part entre Resident Evil et Resident Evil 4. Donc forcément il y a beaucoup d’éléments qui sont peut-être similaires, mais c’est juste la nature du genre.

Pensez-vous que sous l’influence de Resident Evil 4, le survival horror s’est trop orienté vers l’action ? The Evil Within est-il une réponse à cela ?

Il n’y a aucune définition parfaite du survival horror, cela dépend de chacun. Toutefois à propos des autres franchises, c’est difficile de créer un sentiment de peur avec toujours les mêmes ficelles. Ce qui explique sans doute que les jeux ont fini par se tourner vers l’action. C’est presque la nature du genre en lui-même. Si vous voulez donc le ramener en arrière, vers là où il pouvait être à ses débuts, il faut faire un jeu différent.

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Resident Evil repose sur des mécanismes très arcade, comment avez-vous traité cet aspect dans The Evil Within ?

The Evil Within est un jeu très old school, donc si on devait choisir entre les termes arcade ou cinématique, il faudrait choisir arcade.

Vous avez dit vous être inspiré des films d’horreur japonais des années 1990 pour The Evil Within. Desquels en particulier ?

Principalement Ring.

Pourquoi ?

Du milieu des années 1980 jusqu’à la fin des années 1990, il y a eu un gros boom du film d’horreur japonais. On pouvait trouver toutes sortes de films dans les vidéo-clubs. C’est comme ça que j’ai découvert Brain Dead dont nous parlions plus tôt, et qui est le film d’horreur ultime.

En quoi Ring influence-t-il directement The Evil Within ? 

Par son atmosphère, essentiellement.

Pourtant Ring est aussi un mélodrame, avec une dimension sociale.

J’ai toujours aimé Sadako. Mais bien sûr, cet aspect dramatique rend le film plus fort. Toutefois, ce n’est pas vraiment cette partie qui m’inspire (rires).

God HandResident EvilShinji MikamiSurvival horrorThe Evil WithinVanquish
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  • Pierre says: 3 avril 2015 at 12 h 44 min

    C’est toujours plus interessant que d’étaler l’interview de certains indés sur six pages comme pour the next penelope. Si le contenu suivait… Dommage de pas l’avoir publié 🙁

    Reply
    • Games says: 8 avril 2015 at 10 h 00 min

      Vous n’avez pas accroché à l’entretien autour de The Next Penelope, pourquoi ?

      Reply

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