Pour la quatrième édition d’A MAZE, festival consacré au jeu vidéo indépendant et à la réputation grandissante, Pierre Corbinais (l’OUJEVIPO) a endossé son costume d’envoyé spécial. Depuis Berlin, il nous livre chaque jour son compte-rendu des festivités et sa sélection de jeux.
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A MAZE est supposé débuter à 18h, mais à 15h, une trentaine de personnes sont déjà dans la cour de l’Urban Spree. On me dit qu’il y en avait déjà autant hier. Nous sommes en plein milieu de la semaine, mais il flotte comme un air de dimanche après-midi : à l’intersection du quartier «teufeur » et du quartier « hipster » de Berlin, on sirote sa bière au soleil dans des transats, devisant en anglais, en allemand, en français ou en néerlandais.
Jusqu’à 18h (19 en fait), il ne se passera pas grand-chose. L’occasion pour tous de se rencontrer, de se désaltérer avec une Berliner, et de prendre des forces avec un Hoochie Mama, acheté au food-truck de l’entrée. À l’intérieur, on installe les jeux nominés/présentés. Un tiers d’entre eux captent déjà l’attention des visiteurs. Un autre a les boyaux de cuivres à l’air, leurs développeurs bossant dur pour les rendre opérationnels à temps. Pour le troisième tiers, on ne sait pas encore : « Il nous manque une Webcam », « Je pense qu’on va devoir ressouder certains trucs ce soir », « On a perdu notre jeu à l’aéroport… Nos fringues aussi ».
À 19h la foule (qui a entre-temps acquis cette appellation) se divise en deux queues : l’une au bar, l’autre devant la galerie pour obtenir les entrées et d’étranges disquettes peinturlurées à la destination encore inconnue. Le public d’Amaze ne ressemble pas à celui d’un festival de jeu vidéo, et s’il n’y avait les jeux exposés à l’intérieur (et s’ils n’étaient pas au cœur de toutes les conversations) on pourrait facilement se croire à un concert d’electro-punk. Thorsten Storno, l’organisateur, monte enfin sur scène pour nous souhaiter la bienvenue, remercier les sponsors, et annoncer l’ouverture des festivités. On ne l’avait pas vraiment attendu.
Quelques heures plus tard, la soirée bat son plein. L’Urban Spree est désormais comble, autant sur la terrasse que dans la galerie. La Berliner coule toujours à flots tandis qu’on s’agglutine autour des jeux exposés pour les essayer à son tour. « Tu as joué à celui avec les yeux ? », « J’adore celui du trou », « En bas, il y a une fille enfermée dans un cercueil ». Si on ne savait pas qu’il s’agit de jeux vidéo, il y aurait de quoi s’inquiéter.
À 22h, la frénésie d’Amaze est canalisée dans le « club », où l’équipe de Carboard Computer (Kentucky Route Zero) se livre à une performance live. Derrière leurs ordinateurs, ils semblent à la fois sampler le son et l’image projetée derrière eux. L’ambiance comme les graphismes rappellent Kentucky Route Zero, mais il s’agit plutôt d’une sorte d’interlude au jeu, comme l’étaient déjà Limits&Demonstrations, The Entertainment et Here and there along the Echo.
« I remember there was a picture of fruits »
« I remember there was no color on the fruits »
« I remember three apples »
La voix off comme les décors déserts présentés à l’écran pendant de longues minutes (une salle d’attente, une salle d’interrogatoire, un quai…) évoquent à la fois le Je me Souviens et la Tentative d’épuisement d’un lieu parisien de Georges Perec. Un ventilateur nous hypnotise tandis que son vrombissement couvre tous les sons du Festival, et puis, en surimpression, voilà que nous sommes dans un squelette, voilà que nous semblons embarqués à bord d’un train, voilà qu’un bateau de papier glisse sur la rivière. On ne sait pas vraiment à quoi nous venons d’assister. C’était long, ennuyeux un peu aussi, mais c’était aussi superbe.
Les DJs se succéderont ensuite dans le club jusqu’à 2h du matin, avec toujours de la bière et des jeux pour qui ne voudrait pas danser. La fin de soirée approche et, comme s’il n’y avait pas de lendemain et de surlendemain, on cherche à profiter des dernières heures pour croiser tous ceux qu’on s’était promis de rencontrer. Demain, Amaze rouvre ses portes à 9h30. On est tous conscients que c’est beaucoup trop tôt.
Trois jeux
Line Wobbler
Un Dungeon crawler 1D. 1D, cela signifie que l’espace se limite à une ligne. On a déjà vu cette idée développée dans M1ro1R ou Wolfenstein 1D, mais Line Wobbler est unique, car sa ligne est faite de LEDs, et qu’il ne se joue par conséquent pas sur un écran mais sur une guirlande grimpant jusqu’au plafond. Notre avatar (une lumière jaune) est contrôlé à l’aide d’un petit stick monté sur ressort, et pour attaquer, il nous faudra le faire remuer, ce qui produit un spectacle aussi grotesque qu’amusant.
Donut County
Donut County nous fait incarner un trou. Un trou qui engloutit tout sur son passage pourvu qu’il soit assez gros pour le contenir, et qui grandit à chaque élément ingurgité. Son idée originale et sa superbe 3D suffiraient à en faire un bon jeu PC, mais il prend bien plus d’intérêt dans les conditions prévues par le développeur : en enfonçant sa main dans un trou. Au fond, il y a un joystick, mais ça, seul le joueur le sait. En plus de fournir une expérience ludique singulière, Donut County crée aussi le mystère pour le spectateur qui, lui, ne voit qu’un trou en contrôler un deuxième.
Grab your eyes
Utilisant la technologie d’eye-tracking, Grab your eyes se joue avec les yeux, et seulement les yeux. Il consiste en une série de mini-jeux de type Wario Ware qui n’impliqueront que notre regard. « Ne regardez pas le soleil ! », « Suivez la boule », « Trouvez le détail caché » : les jeux sont drôles, variés et gorgés de surprenants caméos (Mel Gibson, Barack Obama…), mais le plus impressionnant, le plus fou, c’est que ça marche, et que le pointeur à l’écran se déplace comme une brûlure du soleil imprimée sur notre rétine.
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