Il y a un an pile, nous vous parlions de RIOT, ce simulateur d’émeutes conçu par un petit groupe de développeurs italiens menés par Leonard Menchiari. Disparu des radars, le jeu refait surface aujourd’hui avec un nouveau trailer et une annonce de sortie pour cet été sur Steam. À l’heure des événements de Baltimore (qui auront mis davantage sur le devant de la scène cette bande annonce) et en attendant d’en savoir plus, nous vous proposons aujourd’hui une version allongée de notre entretien publié dans Games #3.
GAMES_Quel a été le point de départ de RIOT ?
Leonard Menchiari_La première chose qui m’a marqué a été une image prise durant la révolution égyptienne. Ensuite, après être rentré chez moi en Italie, j’ai découvert No Tav [mouvement de protestation contre le projet de construction de la nouvelle ligne à moyenne vitesse Lyon-Turin], qui m’a fait réaliser à quel point nous pouvons être entourés de mouvements alternatifs puissants. Après avoir assisté moi-même à quelques affrontements et vu le traitement médiatique qui en était tiré, j’ai compris combien la télévision pouvait être arrogante, combien elle pouvait mentir afin de dissimuler une vérité qui pourrait gravement entrer en conflit avec certaines décisions politiques. Faire un jeu vidéo n’a été finalement qu’une conséquence de tout cela.
Comment définissez-vous le jeu ? Est-ce un nouveau concept, ou bien un RTS, un jeu de stratégie en temps réel ?
RIOT a la structure d’un RTS arcade, fondé essentiellement sur l’intelligence artificielle. Les joueurs peuvent ainsi s’affronter pour réaliser des choses simples comme maintenir leur position, évacuer une zone ou en atteindre une autre. Il peut y avoir des morts, de la violence, mais ce n’est pas le but principal du jeu.
« RIOT est un simulateur avec un rendu réaliste permettant de mieux comprendre les mécanismes d’une foule »
_ Leonard Menchiari
Quelles difficultés avez-vous rencontrées ?
Plus qu’un jeu, RIOT a pour but d’être un simulateur, donc une part importante du travail est consacrée à obtenir un rendu réaliste qui puisse permettre de mieux comprendre les mécanismes d’une foule et les conséquences réelles, positives ou négatives, d’une émeute, autant sur la police que sur les militants.
Comment impliquer le joueur dans l’émeute ? Comment lui permettre d’en comprendre le sens, le but ?
Chaque carte débute par une introduction décrivant ce qui se déroule dans une émeute spécifique. Toutes les informations sont soigneusement étudiées afin de rester aussi objectif que possible. Après les avoir lues et analysées, le joueur peut décider d’incarner les rebelles ou les policiers (ou de défier un ami sur la même plateforme).
Vous dites sur votre site que le financement participatif vous a permis de voyager, afin de vous documenter et d’aller sur des émeutes à différents endroits de la planète. Pouvez-vous nous en dire plus ?
Hélas, notre budget a été trop faible et nous n’avons pas pu beaucoup voyager. Mais d’un autre côté, j’ai compris que ce n’est pas la peine d’aller très loin pour assister à de tels événements, qui ne sont traités ni par la télévision, ni dans les journaux. J’ai pu accéder à beaucoup plus d’informations depuis là où j’habite, dans ma ville, que ce que j’aurais pu obtenir par n’importe quelle forme de média contrôlée. Mais pour chaque pays, j’ai regardé aussi de nombreuses vidéos et parlé avec beaucoup de gens ayant pu assister personnellement à ces émeutes – aussi bien du côté de la police que des émeutiers. Ce n’est pas une expérience de première main, mais c’est ce que j’ai pu obtenir de plus proche.
« Les jeux vidéo sont juste une forme supplémentaire d’art ou de communication qui peut être utilisée pour parler de tout et n’importe quoi »
_Leonard Menchiari
Est-ce un jeu politique, militant, façon Paolo Pedercini, ou plutôt une étude du fonctionnement d’une émeute ?
Les deux, je dirais. Et aussi un « outil d’information ». L’éditeur de jeu, qui vous donnera la possibilité de recréer des cartes et de les utiliser comme un outil pour informer les mouvements activistes, est quelque chose d’inédit à ma connaissance.
Comment les jeux vidéo peuvent-ils être davantage connectés au monde dans un but politique ?
En définitive, les jeux vidéo sont juste une forme supplémentaire d’art ou de communication qui peut être utilisée pour parler de tout et n’importe quoi. Et grâce à la technologie d’aujourd’hui nous avons des moyens de création beaucoup plus accessibles, quelle que soit la forme artistique envisagée.
Avant RIOT, vous travailliez dans le cinéma.
Oui, j’ai vécu à Los Angeles durant six ans. Après avoir retenu quelques leçons amères sur le système politique et économique qui prévaut à la télévision et à Hollywood depuis une décennie, j’ai décidé de quitter cette ville et de commencer quelque chose de nouveau.
No Comments